La maison bioclimatique ?

La maison bioclimatique ?

Entretien avec Patrice Bideau, Breton atypique… Spécialisé en architecture bioclimatique et écoconstruction.

La genèse

Début 2000, j’ai souhaité changer ma pratique professionnelle en appliquant à mes projets, ma sensibilité écologique, ma passion pour le bois et mon inquiétude sur l’avenir de notre planète face aux pollutions de tous ordres ! La canicule de 2003 a « validé » ce changement. J’ai donc décidé de suivre une formation en ossature bois avec le CNDB (Centre national du bois en France).

Je faisais partie des premiers architectes en Bretagne ayant fait cette formation, plus celle sur l’étanchéité à l’air en 2009. Le 1er projet a été ma propre maison en 2004… Deux ans d’étude et le projet refusé et à modifier… J’ai supporté beaucoup de réflexions et critiques sur ce projet peu conventionnel, pas « néobreton », à l’entrée d’une ville moyenne et, de plus, en bois avec une toiture cintrée. À l’époque, il fallait à peine indiquer que c’était une maison bioclimatique !

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Qu’est-ce qu’une maison bioclimatique ?

C’est une maison qui se doit d’être économe en énergie et donc d’être confortable en hiver mais aussi en été… ! Idéalement, elle se définit par un habitat sain dans un environnement paysager, protecteur face aux changements de saisons et maintenant au changement climatique… Une construction qui bénéficie naturellement du soleil… Du matin au soir !

Confort d’hiver ?

C’est une construction mixte de type ossature bois et qui a donc une parfaite étanchéité à l’air et une structure intérieure en béton recouverte de plâtre traditionnel ou d’un mur de briques de terre crue afin de stocker la chaleur… Donc il s’agit de créer de l’inertie thermique dans une maison bois !

Confort d’été ?

La terre crue stocke aussi bien la fraîcheur du matin que celle de la nuit… Les châssis extérieurs ont des volets bois coulissants à claire-voie qui permettent une ventilation. Les baies du séjour ne doivent pas être trop grandes et oscillo-coulissantes pour le séjour tant pour éviter une surchauffe de la pièce… que pour permettre une meilleure étanchéité au test « blower-door ».

Habitat sain ?

Cela suppose l’utilisation de matériaux biosourcés, une isolation à base de ouate de cellulose dans l’ossature bois et de la fibre de bois en complément sur la face extérieure, afin d’assurer un déphasage dans ce mur. En ce qui concerne le mur nord en béton, il est plâtré à l’intérieur et isolé à l’extérieur avec de la fibre de bois ou un autre isolant suivant le budget. La Bretagne étant dans une région au sous-sol granitique, nous devons réaliser un vide sanitaire ventilé à cause du gaz radon. De fait, le soubassement du mur de refend et du mur nord doit être isolé dans le vide sanitaire afin d’éviter un pont thermique. L’isolation complémentaire au sol peut être en liège. L’isolation du toit est en fibres/laine de bois avec une épaisseur de 30 cm et une parfaite étanchéité à l’air. Le chauffage minimum est assuré par un poêle en complément d’une VMC double flux. Pour l’ECS, un chauffe-eau thermodynamique ou solaire est utilisé.

Environnement paysager ?

Un jardin d’hiver complète le projet en assurant un apport de chaleur en hiver. Pour l’été, il faut le ventiler. Parfois une pergola végétalisée assurera une protection paysagère, tout comme la possibilité de réaliser une allée couverte et végétale pour protéger les automobiles en stationnement…

La construction sud/sud-ouest permet de capter le soleil du matin au soir. De fait, le jardin se doit d’être « bioclimatique » en toutes saisons. Il protège des chaleurs de l’été mais laisse la maison se chauffer en hiver. Il assure la protection contre les vents et pluies venant de l’ouest. Le projet lui, doit permettre la réalisation d’un potager au nord derrière le garage qui fait tampon pour protéger la maison du froid, et essaie d’être « autonome » en récupérant les eaux de pluies tant pour les toilettes que pour le jardin.

Les coupes d’arbustes assurent du petit bois pour le poêle, et celles des haies seront broyées pour le paillage des haies, du potager et des arbres fruitiers. Il faut prévoir un espace « jardinier » pour mettre les pots en attente, les boutures et le composteur pour les déchets végétaux et ceux de la cuisine afin de réaliser un compost tant pour le potager que pour les fleurs.

Des haies paysagères aux arbustes variés sont plantées sur des talus reconstitués afin de réaliser des coupe-vent et des espaces diversifiés pour la faune. Il faut garder à l’esprit le respect de la nature avec un jardin « zéro déchets » et mélanger le minéral et le végétal pour permettre à l’eau de pluie de s’écouler naturellement afin de favoriser le développement des plantes et arbustes !

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Quelles différences avec une maison passive ? Une maison classique ?

Une maison passive n’a pas de chauffage mais une isolation très renforcée par rapport à la norme RT2012 et des châssis triple vitrage, entre autres. C’est une démarche très intéressante mais demande la labellisation de fait, pour valider le travail.

Une maison classique répond à la norme RT2012 de façon basique, encore que certains mettent la porte d’entrée, la fenêtre de la cuisine et de la salle de bains ainsi que le portail du garage sur la même façade !

Quelles sont les contraintes ? La faisabilité ? La durabilité ?

Pour réaliser un tel projet, il faut prévoir une équipe compétente et soudée tant pour l’étude thermique, la conception que le chantier. Il faut assurer un travail performant et cohérent pour éviter les ponts thermiques et assurer l’étanchéité à l’air.

La faisabilité passe par la communication sur le projet et qui se fonde sur la créativité du concepteur. Être porteur des aspirations des clients pour un habitat sain et économe suppose un engagement de tous les intervenants dans cette démarche tout naturellement…

La durabilité est à l’image de la qualité du projet en soi… tant par ses matériaux que par son usage.

Le coût d’un tel projet ?

En général il faut compter entre 1 600 et 2 000 euros le m2 en France.

L’avenir des maisons bioclimatiques

La maison bioclimatique peut être complémentaire de la construction passive, dans la logique des labellisations LEED, BREAM, mais aussi zéro carbone… Elle participe surtout à l’évolution de la société.

Une maison bioclimatique pourra être complétée par un « walipini » ou jardin semi-enterré à côté de sa maison et avoir une production de légumes toute l’année. Mais l’important surtout dans l’évolution de l’habitat est de rester dans la ligne directrice et créative de son travail.

Crédit photos : Patrice Bideau - https://atypiquepatricebideau.wordpress.com/

Propos de Patrice Bideau recueillis par Sara Liégeois

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Publié le mercredi 6 décembre 2017
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