La deuxième vague dévastatrice du COVID-19 pousse les services de santé à leurs limites à Mumbai

La deuxième vague dévastatrice du COVID-19 pousse les services de santé à leurs limites à Mumbai

La deuxième vague de COVID-19 atteint des niveaux extrêmement alarmants en Inde. MSF intensifie ses interventions à Mumbai, une ville densément peuplée dont la population est particulièrement vulnérable face au Covid-19. Pour répondre à la demande sur place, Médecins Sans Frontières fait appel à la solidarité au Luxembourg et relance son fonds d’urgence COVID-19, notamment pour ses activités en Inde. La section luxembourgeoise espère ainsi récolter 150,000 euros ces prochains mois, comptant sur la solidarité des particuliers, fondations et entreprises, l’ONG étant financée à + de 95% par des dons privés.

«  La deuxième vague a pris tout le monde par surprise. En très peu de temps, elle s’est transformée en une crise majeure. Les autorités sont bien organisées et s’adaptent du mieux qu’elles peuvent à l’évolution de la situation. Mais il devient de plus en plus difficile de trouver des lits d’hospitalisation », explique Mabel Morales, notre coordinatrice médicale à Mumbai.

Les nouvelles infections quotidiennes à travers le pays ont atteint un pic de plus de 200 000 cas, dont 115 736 signalés dans l’État du Maharashtra, dans la seule journée du 16 avril dernier.

« La situation est très inquiétante », déclare Dilip Bhaskaran, coordinateur de la réponse Covid-19 pour MSF à Mumbai. « Il s’agit de la plus forte recrudescence depuis le début de la pandémie. MSF est prête à renforcer encore ses services pour soutenir les structures de santé qui sont actuellement complètement débordées. »

Suite à la flambée des cas de Covid-19 et à l’augmentation du nombre de patients nécessitant une hospitalisation et une oxygénothérapie, MSF a déployé des équipes pour soutenir l’hôpital BKC (également appelé hôpital Jumbo) à Mumbai : des médecins, des infirmières, des techniciens en anesthésie et des psychologues.

L’hôpital de Mumbai est un établissement de 2 000 lits, divisé en deux sections de 1 000 lits, pour le traitement des patients atteints de formes modérées à sévères du Covid-19.

« Imaginez un hôpital de 1 000 lits. Il y a 28 salles ainsi que les zones d’urgence et de triage. C’est un hôpital de fortune dans une immense tente en métal. C’est surréaliste. Au début [de notre intervention d’urgence], on admettait environ 200 à 250 nouveaux patients chaque jour », explique Gautam Hari Govind, responsable des activités médicales de MSF à Mumbai.

Manque de ressources humaines, de matériels et d’équipements, auquel s’ajoutent des conditions de travail compliquées : les structures de santé sont submergées et les équipes travaillent sans relâche pour répondre à la demande.

« Les médecins et les infirmières sont complètement débordés. Il y a un besoin immédiat d’améliorer l’accès à l’oxygène et la gestion des patients. Nos équipes travaillent également d’arrache-pied pour renforcer les mesures de prévention et de contrôle », déclare Daniela Garone, responsable médicale MSF.

Photo MSF331871 Un médecin MSF examine un patient atteint du Covid-19, à l’hôpital de Mumbai en Inde. ©Abhinav Chatterjee/MSF

Gautam Harigovind : « Ce qui se passe actuellement est une atrocité »

Témoignage personnel du responsable de l’activité médicale du projet COVID-19. Gautam Harigovind décrit son expérience de travail au centre de santé dédié Covid-19 à Mumbai.

Imaginez un hôpital de mille lits. Il y a 28 salles, ainsi que les urgences, les blessés et les zones de triage. C’est un hôpital de fortune installé dans une énorme tente métallique.

Y pénétrer la première fois a été une expérience surréaliste ; je n’ai jamais rien vu de tel. C’est comme si on entrait dans un énorme navire. Le plafond est très haut, mais la ventilation n’est pas excellente. Il répond à certaines normes, mais il n’est pas vraiment adapté à l’environnement de Mumbai. Pendant la matinée, Mumbai devient très humide. Il fait atrocement chaud. Et travailler dans une combinaison de protection pendant six heures, c’est inimaginable. La chaleur est presque trop dure à supporter.

C’est la deuxième semaine de notre projet d’urgence. La semaine dernière, nous avons eu environ 200 à 250 nouveaux patients admis chaque jour et, bien que la situation à Mumbai reste très grave, en tant qu’équipe, nous avons eu une meilleure semaine. Cette semaine, nous avons vu les résultats de nos patients s’améliorer, mieux que ce à quoi nous nous attendions.

Lorsque j’ai commencé à travailler au centre Covid-19 de Mumbai en septembre 2020, c’était le chaos, avec des vagues et des vagues de personnes effrayées qui arrivaient chaque jour. Après cela, les choses se sont arrangées ; les soins aux patients se sont arrangés.

Aujourd’hui, notre plus grand défi est l’attrition du personnel. Les gens ne peuvent tout simplement pas travailler dans cet environnement pendant de longues périodes. C’est le burn-out, et les cycles de burn-out sont plus rapides maintenant que lors de la première vague. À l’heure actuelle, il suffit de trois jours pour être épuisé. Même si votre quart ne dure que six heures, ce sont des heures de Covid. C’est à cause des conditions, du nombre de patients et du manque d’initiation. Il y a 28 salles ; chaque salle devrait avoir deux infirmières présentes par équipe et il y a quatre équipes. Faites le calcul et vous verrez qu’il est difficile de trouver autant d’infirmières.

Nous nous concentrons sur le recrutement et la formation du nouveau personnel. Bon nombre des infirmières du ministère de la Santé avec lesquelles nous travaillons sont des diplômées fraîches qui ont été propulsées dans un domaine auquel personne ne s’attendait vraiment ou ne peut vraiment s’imaginer. Elles essaient de faire leur travail, mais elles sont inexpérimentées et ne savent pas comment gérer leur travail ou leur temps. Nos infirmières MSF soutiennent les infirmières du ministère de la Santé en les encadrant et en les accompagnant au chevet des patients.

Le Covid m’a changé en tant que personne et en tant que médecin. Les gens meurent, mais je m’y suis habitué. Nous avons fini par nous y faire. Je n’ai pas eu le temps d’y réfléchir. Avant, j’étais très centré sur le patient, je ne pensais qu’à défendre ses intérêts. Maintenant, j’ai peur de nouer des relations avec les patients.

Au début, je le faisais, puis je revenais pour ma prochaine garde et je voyais leur lit vide, et cela me brisait le cœur. Même le fait que je les appelle maintenant « le patient ». Avant, j’aurais utilisé un nom. Ou je disais « mon patient ». C’est comme ça que ça m’a changé.

Nous encourageons notre personnel à entamer très tôt des conversations avec leurs patients sur les risques potentiels du COVID, afin d’aider à la fois le personnel et les patients à comprendre ce qui pourrait arriver ; la possibilité de leur mort. Nous avons obtenu des résultats positifs à ce sujet. Cela a aidé notre équipe à accepter ce qui arrive à leurs patients. Non seulement parce qu’ils ont eu cette conversation, mais aussi parce que le patient savait ce qui pouvait arriver et qu’il y était préparé d’une certaine manière.

Chacun doit s’exprimer autant qu’il le peut sur la situation en Inde. Ce qui se passe actuellement est une atrocité et si personne n’en parlait, cela se produirait tout simplement.

La situation s’est un peu apaisée pour le moment, mais on a l’impression que c’est le calme avant la tempête. On craint que Mumbai ne se verrouille complètement. Nous faisons vraiment des heures supplémentaires pour mettre les choses en place avant que quelque chose de pire n’arrive. Si cela n’arrive pas, tant mieux ; le COVID est un contexte où j’aime avoir tort !

Pour plus d’informations : https://msf.lu/fr

Légende photos : Photo MSF331877 Le Dr Sharanya Ramakrishna, médecin MSF, prélève un échantillon par écouvillonnage dans la zone de collecte du centre de santé COVID-19 de l’hôpital Pandit Madan Mohan Malviya Shatabdi à Mumbai. ©Abhinav Chatterjee/MSF

Photo MSF331905
Déjà en juin 2020, les équipes de MSF étaient présentes à Mumbai pour y mener des activités de promotion de la santé, afin de prévenir la propagation du Covid-19. © Abhinav Chatterjee/MSF, août 2020.

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Communiqué
Publié le lundi 10 mai 2021
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