La biodiversité pour renforcer la forêt

La biodiversité pour renforcer la forêt

Changer les mentalités n’est pas toujours évident. Chez natur&ëmwelt, on essaie de convaincre les propriétaires forestiers de transformer leurs terrains uniquement recouverts d’épicéas, en des sites accueillant différentes essences d’arbres, qui rendront leurs forêts plus résilientes face au changement climatique et aux attaques des insectes.

En effet, par le passé, les écologistes voulaient laisser les forêts en évolution libre et les propriétaires privés appliquaient davantage une gestion industrielle. « À l’époque, les propriétaires privés étaient principalement focalisés sur les conifères », souligne Patrick Losch, président de la fondation Hëllef fir d’Natur de natur&ëmwelt. « Le but était de produire un maximum de bois. L’aspect économique primait. Les tempêtes des années 90 nous ont rappelés à l’ordre en mettant en avant le fait que ces monocultures n’étaient pas très stables et encore moins adaptées à nos terrains. »

Il a donc fallu convaincre les nombreux propriétaires privés de quitter cette gestion, à première vue lucrative mais risquée , pour arriver à une belle diversité sur leurs terrains servant à augmenter la résilience de leurs forêts. « Le changement climatique nous a aidés dans cette démarche, car il a un impact important sur les forêts. Même si les faits sautaient aux yeux, nous avons tout de même été confrontés à une belle réticence au début. »

Il faut dire que le pays compte environ 14.000 propriétaires forestiers, dont les parcelles couvrent 55 % du territoire luxembourgeois. C’est donc une longue croisade pour que tout le monde adhère. « Et pourtant, le meilleur outil de résilience pour affronter des chocs, c’est la biodiversité. Une science qui est complexe à mettre en place et à maintenir. Nous avons demandé de planter – en plus des chênes –, des érables, des merisiers et plusieurs autres feuillus. L’interaction entre les différentes essences sur un terrain va rendre la forêt plus résiliente et plus stable. Grâce à de nombreuses campagnes d’information, nous parvenons progressivement à les convaincre. »

Patrick Losch, président de la fondation Hëllef fir d'Natur de natur&ëmwelt
Patrick Losch, président de la fondation Hëllef fir d’Natur de natur&ëmwelt

La Fondation de natur&ëmwelt est fort active sur le terrain. « Nous achetons régulièrement des forêts, dont les propriétaires n’ont pas les connaissances nécessaires ou pas la motivation pour les transformer. Ceux qui souhaitent poursuivre l’aventure ont la chance de profiter d’un très bon régime de subsides pour justement poursuivre la transformation avec de bonnes essences. Ces dernières permettent de mieux les entretenir au cours des longues périodes de sécheresse en été.  »

Les monocultures d’épicéas sont vouées à la disparition sous nos latitudes. Le changement climatique favorise l’essor de leurs parasites qui peuvent se multiplier exponentiellement. « La défense de l’arbre est de produire plus de résine pour empêcher les insectes de percer l’écorce afin d’y pondre leurs œufs, mais les longues périodes de sécheresse et de canicule les affaiblissent au point qu’ils n’y arrivent plus. Un arbre de 80 ans peut alors mourir en seulement six semaines. C’est horrible, car une fois qu’il est attaqué, il n’y a plus d’échappatoire. »

Grâce à la biodiversité, ces risques sont limités. Alors qu’il faut 60 ans pour récolter un épicéa, on attend entre 150 et 200 ans pour un chêne. Ces différentes dimensions sont importantes pour renforcer une forêt. « Il faut maintenant que l’industrie du bois s’adapte à cette transition pour écouter les besoins de la nature. Autre challenge, contrôler les animaux. Les chevreuils et les cerfs sont friands des jeunes pousses d’arbres. Et comme on ne peut pas clôturer complètement un domaine, il faut trouver des solutions pour réguler leur reproduction. »

Le travail des membres et des employés de natur&ëmwelt est conséquent mais ils gardent leur optimisme.

Sébastien Yernaux
Photos : natur&ëmwelt
Article tiré du dossier du mois « Embarquement immédiat »

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Publié le vendredi 12 avril 2024
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