COP 15 : des objectifs ambitieux pour la planète

COP 15 : des objectifs ambitieux pour la planète

Lors de la COP15 à Montréal, la communauté internationale a adopté, sous présidence chinoise et avec participation luxembourgeoise, un nouvel accord mondial pour la protection de la nature. Les 190 États ont mis en place un nouveau cadre mondial pour la biodiversité.

Cet accord historique, obtenu après d’âpres discussions, va tenter d’enrayer la destruction de la biodiversité et de ses ressources, indispensables à l’humanité.

Ce pacte de paix avec la nature appelé accord de Kunming-Montréal vise à protéger les terres, les océans et les espèces de la pollution, de la dégradation et de la crise climatique.

Comme point clé de l’accord, les États signataires se sont mis d’accord sur une vision commune à long terme. Cette vision stipule qu’en 2050, l’homme devrait à nouveau vivre en parfaite harmonie avec la nature. Pour y arriver, la perte de biodiversité doit être stoppée et la tendance inversée d’ici 2030. À cette fin, les États se sont fixés quatre objectifs à long terme (jusqu’en 2050) et 23 objectifs à atteindre d’ici 2030. Ils se sont accordés sur la manière de mettre en œuvre ces objectifs, sur le financement de cette mise en œuvre, sur l’accès et le partage des avantages, ainsi que sur le suivi de son état d’avancement.

« L’accord a été adopté », a déclaré Huang Runqiu, le président chinois de la COP15, lors d’une séance plénière organisée en pleine nuit, avant de laisser retomber son marteau sous les applaudissements des délégués aux traits tirés par la fatigue. « Nous avons ensemble franchi un pas historique », s’est félicité Steven Guilbeault, le ministre de l’Environnement du Canada, pays hôte du sommet.

« It’s a game changer » a déclaré la ministre belge du Climat, Zakia Khattabi. « Le contexte était difficile. Mais tout le monde a compris que l’on ne pouvait pas scier davantage la branche sur laquelle on est assis. Après tout, cet accord concerne la survie de l’humanité. Un nécessaire équilibre a été atteint et c’est dessus que nous devons désormais nous appuyer. »

La conclusion du deal final a notamment été relayée sur Twitter par le commissaire européen à l’Environnement Virginijus Sinkevičius. « Nous faisons l’histoire ce soir ».

Au moins 30% de la superficie terrestre et maritime mondiale sera placée sous protection efficace, en particulier les zones à forte biodiversité, qui méritent particulièrement d’être protégées. Les droits des communautés autochtones (gardiens de 80% de la biodiversité subsistante sur Terre) et locales y résidant seront sauvegardés. La plus connue de la vingtaine de mesures, a été présentée comme l’équivalent pour la biodiversité de l’objectif de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. A ce jour, 17% des terres et 8% des mers sont protégées.

Le texte propose de restaurer 30% des écosystèmes endommagés sur terre et en mer. Mais aussi de réduire d’ici à 2030 l’apport d’excédents de nutriments dans l’environnement, ainsi que les risques posés par les pesticides et les produits chimiques très dangereux.

En outre, le gaspillage alimentaire sera diminué de moitié (objectif 16), ainsi que la propagation des espèces envahissantes (objectif 6). Les États créeront une base permettant aux entreprises et aux institutions financières de publier l’impact de leurs activités sur la biodiversité (objectif 15).

Amélioration de la mise en œuvre et du contrôle

Un système sera mis en place pour garantir que les nouveaux objectifs sont effectivement mis en œuvre au niveau national. Chaque pays s’engage à définir dans sa stratégie nationale pour la biodiversité de quelle façon il contribue à la réalisation des objectifs mondiaux. Au Luxembourg, ceci se réalisera moyennant le Plan national pour la protection de la nature (PNPN) dont la 3e version est actuellement en phase de consultation. Afin d’assurer le suivi y afférent, des indicateurs uniformes qui s’appliquent à tous les pays seront mis en place. Cela rend la mise en œuvre vérifiable (section J, 34).

Les rapports nationaux sont utilisés pour vérifier régulièrement si les efforts sont suffisants pour se rapprocher des objectifs mondiaux. Les résultats de cet examen sont utilisés pour encourager les États à faire des efforts supplémentaires (section J, 35).

Plus de financement et mise en place du Fonds pour le cadre mondial de la biodiversité

Et pour tenter de résoudre la question financière toujours brûlante entre le Nord et le Sud, la Chine propose par ailleurs d’atteindre au moins 20 milliards de dollars d’aide internationale annuelle pour la biodiversité d’ici 2025 et au moins 30 milliards d’ici 2030. Ce montant concerne les fonds publics et privés.

De manière générale, 200 milliards d’USD par an devront être mobilisés d’ici 2030 pour la protection de la biodiversité. Cet objectif revient à un montant au total à atteindre dans tous les pays confondus.

En plus, 500 milliards d’USD par an d’incitations préjudiciables à la biodiversité seront à éliminer dans le monde. Cet objectif vise en particulier les subventions dommageables pour l’environnement (harmful subsidies).

Pour soutenir la mise en œuvre de l’accord mondial et afin de garantir une mobilisation cohérente des flux financiers additionnels, le nouveau fonds mondial pour la biodiversité sera mis en place sous l’ombrelle du Fonds pour l’environnement mondial (Global Environment Facility, GEF) néanmoins avec une gouvernance à part.

Etoile polaire

« La plupart des gens disent que c’est mieux que ce que nous attendions des deux côtés, pour les pays riches comme pour ceux en développement. C’est la marque d’un bon texte », a confié à l’AFP Lee White, ministre gabonais de l’Environnement.

Pour Masha Kalinina de l’ONG Pew Charitable Trusts : « Protéger au moins 30% des terres et des mers d’ici 2030 est la nouvelle étoile polaire que nous utiliserons pour naviguer vers le rétablissement de la nature ».

« Les élans, les tortues de mer, les perroquets, les rhinocéros, les fougères rares font partie du million d’espèces dont les perspectives d’avenir seront considérablement améliorées », par cet accord a complété Brian O’Donnell, de l’ONG Campaign for nature.

Ce texte est « un pas en avant significatif dans la lutte pour la protection de la vie sur Terre, mais cela ne suffira pas », a noté auprès de l’AFP Bert Wander de l’ONG Avaaz.

« Les gouvernements devraient écouter ce que dit la science et accroître rapidement leurs ambitions pour protéger la moitié de la Terre d’ici 2030 », a-t-il ajouté. D’autres défenseurs de l’environnement craignaient également des échéances trop lointaines au vu de l’urgence actuelle.

Car les scientifiques sont formels, le temps presse. 75% des écosystèmes mondiaux sont altérés par l’activité humaine, plus d’un million d’espèces sont menacées de disparition et la prospérité du monde est en jeu : plus de la moitié du PIB mondial dépend de la nature et de ses services.

D’autant plus que le plan décennal précédent signé au Japon en 2010 n’a atteint quasiment aucun de ses objectifs, notamment en raison de l’absence de mécanismes d’application véritables.

Estimant que l’humanité était devenue une arme d’extinction massive, le chef de l’ONU Antonio Guterres avait appelé les parties à conclure un pacte de paix avec la nature.

Le financement au cœur des débats

Mais les discussions ont bien failli achopper sur la question financière, qui est resté jusqu’au bout au cœur des débats même pendant la session plénière d’adoption avec des objections de plusieurs pays africains. Comme lors des discussions sur le climat en Égypte en novembre, cela a créé des tensions entre pays riches et pays du Sud.

En échange de leurs efforts, les pays les moins développés réclamaient aux pays riches 100 milliards de dollars par an. Soit au moins 10 fois l’aide internationale actuelle pour la biodiversité.

Outre les subventions, les pays du Sud poussaient aussi fortement à la création d’un fonds mondial dédié à la biodiversité - une question de principe - à l’image de celui obtenu en novembre pour les aider à affronter les dégâts climatiques.

Sur ce point, la Chine propose comme compromis d’établir dès 2023 une branche dédiée à la biodiversité au sein de l’actuel Fonds mondial pour l’environnement (FEM), dont le fonctionnement actuel est jugé très déficient par les pays les moins développés.

Communiqué
Publié le mardi 20 décembre 2022
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