Avec le risque de pauvreté, calculer n'est pas jouer

Avec le risque de pauvreté, calculer n’est pas jouer

Les chiffres le confirment : il n’y a pas d’égalité devant l’inflation ! Et le risque de pauvreté augmente.

« D’une crise à l’autre : la cohésion sociale sous pression ». Ce n’est pas qu’un titre, émis par le Statec pour son toujours très instructif rapport « Travail et cohésion sociale », édition 2022.

C’est un constat qui s’appuie sur une série de facteurs, des éléments mesurables et à prendre en compte dans une notion de politique où la redistribution et la couverture sociale s’appuient sur une équité à remettre sans cesse en question.

Car c’est une évidence – chiffrée – , la récente flambée des prix a touché différemment les ménages. « En particulier, les ménages ayant un niveau de vie moins aisé sont le plus pénalisés par l’inflation », note le Statec. « L’alimentation et l’énergie ont connu une forte augmentation des prix depuis 2021, et ce sont des dépenses relativement plus importantes pour les ménages ayant un faible niveau de vie.

Pour un niveau moyen de 7,4% au mois de juin 2022, l’inflation peut grimper jusqu’à 8,5% pour les ménages les plus modestes ou se limiter à seulement 6,1% pour les locataires ».

Taux de pauvreté : gare aux chiffres !

Un indicateur reconnu, c’est le taux de pauvreté : il permet, en substance, de déterminer un seuil de revenus de subsistance et un pourcentage de la population ne disposant pas d’assez de moyens de pour faire face aux coûts de sa vie. Cela va dépendre du niveau de vie, du revenu disponible du ménage, du nombre de personnes à charge, de leur âge, de leurs besoins, etc.

Après, il y a les calculs et les données de référence. Comme l’explique le Statec dans son rapport, le risque de « taux de pauvreté multidimensionnelle » tient compte du revenu, de la consommation et du patrimoine. Si on prend ces risques individuellement, on obtient une « pauvreté de revenu » à 18,1% ; en évaluant la pauvreté au niveau de consommation, on est à 19,8% ; et si on calcule la pauvreté en termes de patrimoine, on arrive à 32,7%. « Cela reflète le phénomène selon lequel le patrimoine est beaucoup plus inégalitairement réparti entre les ménages que le revenu », souligne le Statec.

Le chevauchement entre ces trois dimensions pour l’ensemble de la population donne le taux de risque de pauvreté ICW (pour Income, Consumption and Wealth), qui est de 7,3% en 2021. Là où il était à 5,6% un an auparavant.

Dans tous les cas, le risque de pauvreté a augmenté… Le seuil de pauvreté au Luxembourg (mesuré à 60% du niveau de vie médian) s’élève à 2 177 euros par mois et par adulte.

En 2021, 115 980 personnes vivaient en dessous du seuil de risque de pauvreté.

« Les jeunes, les chômeurs, les inactifs, les locataires, les monoparentaux avec deux enfants ou plus et les personnes ayant un faible niveau d’éducation sont davantage exposés à la pauvreté multidimensionnelle », observe encore l’analyse socioéconomique.

Et par ailleurs, « on sous-estime les inégalités et la pauvreté entre ménages lorsqu’on les évalue uniquement à partir du revenu disponible ».

Un revenu pas vraiment disponible

L’autre notion, c’est le revenu « arbitrable » car « la prise en compte des dépenses pré-engagées détériore la distribution des revenus et aggrave la pauvreté et les inégalités ».

En effet, dans la réalité, les ménages ne peuvent pas toujours utiliser à leur guise la totalité de leur revenu dit « disponible » ; toute une série de dépenses s’imposent à eux, ce sont les « dépenses pré-engagées », comme les loyers d’habitation, remboursements d’emprunt, les redevances d’eau, gaz, électricité, etc , mais aussi les services de télécommunications ou/et de télévision, les frais d’assurances, les services bancaires ou encore les frais de cantine (scolaire ou professionnelle).

Le Statec calcule que, en 2021, les dépenses pré-engagées représentent en moyenne 31% du « revenu disponible » des ménages ; et elles représentent 36% de la consommation totale des ménages. « Le poids des dépenses pré-engagées représente près de la moitié du revenu disponible des 10% des ménages les moins aisés financièrement ».

En 2021, le revenu disponible moyen réel par mois et par ménage s’élève à 4185 euros.

Si l’on prend le revenu arbitrable pour référence, le taux de pauvreté passe à 20%.

Plus d’écart entre genres ?

Autre enseignement, parmi d’autres, que l’on peut tirer des chiffres analysés par ce rapport « Travail et cohésion sociale » : le rapprochement entre les salaires horaires des femmes et ceux des hommes a été particulièrement important et rapide au Grand-Duché.

Le Luxembourg présente en effet le GPG (le Gender Pay Gap, calculé à partir du salaire horaire brut) le moins élevé de l’Union européenne avec 0,7% contre 13% en moyenne UE et 14,1% pour la zone euro.

Ici, le « fossé » s’est réduit de moitié dans l’industrie et les services marchands où il est passé de 18,9% en 2002 à 9,7% en 2021. Mais, de fait, sur l’ensemble de l’économie, l’égalité entre le salaire horaire moyen des hommes et celui des femmes a été atteinte en 2021. L’écart est estimé à 0, alors qu’il y avait encore un écart salarial de 10% en 2007.

Mais ici aussi, l’indicateur a ses limites, ne montrant qu’un aspect parmi d’autres : les femmes ont toujours un taux d’emploi moins élevé, davantage recours au temps partiel, des salaires annuels moins élevés ; et ces écarts se répercutent logiquement – avec un décalage dans le temps – sur les droits en matière de retraites. Ainsi, l’écart de pension entre les sexes reste au-dessus de la moyenne au Luxembourg : il y avait 50% d’écart en 2010, et encore 41% en 2020, tandis que la moyenne européenne est passée sur ces 10 années de 37% à 29%.

Alain Ducat
Photos/Illustrations : Statec/Adobestock

Infos détaillées ici, via le site du Statec

Article
Publié le mercredi 19 octobre 2022
Partager sur
Nos partenaires