Agir ensemble pour sortir les jeunes de la précarité

Agir ensemble pour sortir les jeunes de la précarité

Réinsérer les jeunes exclus de l’éducation et de l’emploi permet de sauver plusieurs générations. Si on s’y prend au bon moment…

Le terme NEET, abréviation de Neither in Employment nor in Education and Training, renvoie à la part de population jeune exclue de l’emploi et du système scolaire. Au Luxembourg, en 2021, 8,8% des 15- 29 ans faisaient partie de cette catégorie des jeunes hors emploi et éducation, soit environ 10.500 personnes (chiffres Eurostat). Au niveau européen, la moyenne s’élève à 13,1%, le Luxembourg se classant 5e. C’est aux Pays-Bas que l’on trouve le moins de NEETs (5,5%) alors qu’ils sont près de 1 sur 4 en Italie (23,1%). Malgré cette bonne position au classement, ce taux national est le plus élevé depuis 2008, lorsqu’il atteignait 9,2% de la population des 15-29 ans.

Historiquement, les NEETs sont en majeure partie des femmes. « La précarité des jeunes femmes, en général, résulte de situations complexes : décrochage scolaire, monoparentalité, violence subie, rupture familiale, etc. », explique Zainna Bellihi, membre du conseil d’administration de l’ONGD Life Project 4 Youth Luxembourg. Des situations desquelles il est parfois difficile de les sortir. « On parle d’invisibilité des femmes NEETs. Elles représentent au niveau mondial une part de plus en plus importante des publics sans domicile fixe, mais elles se cachent pour des raisons de sécurité, et il est donc difficile de les trouver pour les aider ».

Toutefois, au Luxembourg (de même qu’en Belgique, en Finlande, en Irlande et en Espagne en ce qui concerne l’UE), la tendance s’est inversée ces dernières années. En 2021, les NEETs (15-29 ans) représentent 9,1% de la population luxembourgeoise masculine, contre 8,5% de la population féminine.

L’écosystème des jeunes

Ces jeunes en situation précaire, LP4Y Luxembourg a vocation à les réinsérer. Le travail de terrain de l’ONG de développement se situe en Asie et dans le bassin méditerranéen, mais s’inclut également dans le contexte luxembourgeois, dans un rôle de catalyseur, avec le projet Agora4Youth. Marc de Crouy-Chanel, président de LP4Y Luxembourg : « Un catalyseur, pour partager au niveau de l’écosystème les bonnes pratiques d’inclusion. Depuis 2018, avec Agora 4 Youth, nous visons à mettre les acteurs autour de la table pour faire, tout d’abord, un constat des problèmes : les jeunes sont toujours les grands oubliés des plans de réinsertion, et sont aussi les premiers à qui on retire les aides sociales. Nous essayons ensuite de dégager des initiatives et des actions avec les acteurs intéressés à développer des solutions impactantes de manière commune ».

Un cycle de tables rondes « Regards croisés sur l’inclusion des jeunes » s’est terminé fin 2022. Il avait pour but de rassembler les différents acteurs concernés par la responsabilité sociale des entreprises, qu’il s’agisse de jeunes directement ou indirectement concernés, d’associations locales et internationales, du monde académique ou encore d’entreprises privées et institutions. Agora 4 Youth compte parmi ses partenaires KPMG Luxembourg, la BEI, la Banque de Luxembourg, STEP Benelux, l’Université du Luxembourg, IMS, Ryse, 4 motion, Youth & Work sàrl SIS… Le cycle s’est bouclé avec la présentation de solutions centrées sur des stratégies de RSE et de RH inclusives, la mise en valeur des compétences et la prise en compte du projet de vie de ces jeunes.

Parmi ces propositions figurent celles portées par LP4Y : la rédaction et la publication d’un guide simplifié des actions RSE. « Il s’agit d’un mode d’emploi pour créer et réussir un programme d’insertion professionnelle, regroupant différentes initiatives ou actions possibles telles que des stages et des formations en vue d’embauches, ainsi qu’un annuaire des partenaires afin d’identifier aisément les bonnes personnes à qui s’adresser », développe le président. « Le 2e aspect RSE consiste à créer un espace virtuel ‘YouthLab’, avec des partenaires, dans un premier temps sur le site Agora4Youth, avec l’ambition de déployer ensuite un espace physique. Cet espace aura pour but de créer un écosystème autour de ces jeunes afin de faciliter leur insertion sociale et professionnelle. »

Impact générationnel

LP4Y travaille exclusivement avec des jeunes de 17 à 24 ans. Une tranche d’âge qui n’est pas choisie par hasard : « Lorsqu’on travaille avec ces populations, on parvient à créer beaucoup de changements avec peu de moyens, pour peu qu’ils soient bien dirigés. Nous avons 12 ans d’expérience sur le terrain, avec des taux de réussite qui se situent autour de 80%. En travaillant avec des personnes en dehors de cette tranche d’âge, le taux de réussite chute de manière vertigineuse. Cet âge correspond à un niveau de maturité suffisant, à un stade de leur vie où ils ont une forte capacité à être intégrés dans le monde du travail. Si on ne les aide pas à ce moment-là, il va être beaucoup plus difficile qu’ils deviennent socialement intégrés. A contrario, lorsqu’ils sont aidés, ils deviennent d’excellents acteurs de notre société, car ces jeunes ont un énorme potentiel », explique Marc de Crouy Chanel.

« Par ailleurs, et c’est encore plus vérifiable avec les femmes, une fois réinsérées, ces personnes entrent dans un cercle vertueux, c’est-à-dire qu’elles veilleront à ce que leurs enfants soient alphabétisés, scolarisés, intégrés. C’est donc un travail qui a des retombées très positives sur plusieurs générations, et donc sur l’économie et le rayonnement d’un pays », ajoute Zainna Bellihi.

Les deux membres de LP4Y s’accordent à dire que, moyennant des initiatives engageant fortement les entreprises, ces jeunes pourront eux aussi prendre part à la vie civile et économique du pays. Le challenge est de rassembler les bonnes initiatives et les différents acteurs pour renforcer leurs effets. « Il y a des initiatives de très bonne qualité, mais comme elles ne s’intègrent pas dans un tout, elles passent à côté de leur impact potentiel. Notre rôle est donc d’appeler à l’action et de les fédérer pour démultiplier leur impact », concluent-ils.

Marie-Astrid Heyde
Photos : LP4Y
Extrait du dossier du mois « Génération ? Présente ! »

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Publié le mercredi 1er février 2023
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