À lire au calme… mais pas trop !

À lire au calme… mais pas trop !

Lorsque nous parlons de pollution, les premières images en tête sont celles d’une épaisse fumée noire ou encore d’un amas de détritus... La pollution sonore, elle, est invisible et bien trop souvent négligée. Bien qu’une prise de conscience collective se développe concernant l’importance de la traiter, elle reste encore peu considérée dans le processus de construction, comme nous l’expliquent Steven Rassart et Maxime Rigolage, Ingénieurs Acousticiens ayant récemment rejoint le bureau d’Ingénieurs-Conseils Betic.

Maxime Rigolage : « Les engins de chantier, le brouhaha d’un restaurant, une circulation dense de véhicules… La vie quotidienne fourmille de mille bruits, souvent perçus comme une gêne occasionnelle alors qu’ils sont une véritable pollution aux effets conséquents sur la santé de l’humain et sur tout l’écosystème ».

Steven Rassart : « D’après l’Office Mondial de la Santé, près de 2,5 milliards de personnes dans le monde, soit une personne sur quatre, souffriront de déficience auditive à des degrés divers d’ici 2050. Le bruit est le 2e facteur environnemental de cause de maladies en Europe de l’Ouest, juste après la pollution atmosphérique. Les études du Centre d’information sur le Bruit attestent également que la période de confinement liée à la crise sanitaire a accru la sensibilité au bruit de la population. Cela reflète la complexité de notre métier : proposer des concepts et solutions pour garantir un environnement sonore de qualité, sans pour autant « surisoler », pour éviter que les personnes développent une hypersensibilité au bruit ».

M.R. : « Au Grand-Duché, la réglementation en matière d’acoustique s’étoffe au fil du temps mais il faut encore davantage intégrer cette expertise en début de projet. Investir dans un peu de silence dès la conception est plus efficace et très souvent moins coûteux que d’intervenir à postériori. Une fois le bâtiment construit, nous sommes restreints quant au choix des matériaux, au vu des contraintes techniques et financières. Il est difficile d’accepter de déconstruire pour reconstruire une partie d’un bâtiment récemment livré dans l’idée d’améliorer ses performances acoustiques ».

S.R. : « Au même titre que l’on cherche une bonne performance énergétique sur un projet dès la conception, il faut chercher une bonne performance acoustique. Bonne isolation thermique ne veut pas dire bonne isolation acoustique par exemple… D’où l’importance de se concerter très tôt. Un triple vitrage avec trois verres d’épaisseur similaire aura de bonnes caractéristiques énergétiques mais pas acoustiques. Chaque plaque d’un matériau d’une épaisseur donnée a une fréquence critique où elle se met à vibrer et où le bruit se transmet beaucoup mieux. Si une bonne isolation acoustique est nécessaire, nous préconiserons davantage des verres d’épaisseur suffisamment différente pour que la composition globale du vitrage soit plus équilibrée du point de vue de ses performances acoustiques. De cette manière, nous éviterons un affaiblissement des performances à des fréquences souvent problématiques ».

M.R. : « Notre métier consiste aussi à anticiper les besoins pendant la phase chantier en identifiant les nuisances, les localisant, les limitant, tout en respectant les réglementations et en anticipant les évolutions d’un quartier pour que les caractéristiques acoustiques d’une nouvelle construction répondent aux besoins futurs. On ne peut pas prévoir ce qu’une ville, un quartier sera exactement dans 60, 80 ans, mais nous avons des outils pour nous projeter à moyen terme comme les Plans d’Aménagements Généraux et Particuliers. En intervenant dès la conception, nous pouvons aussi apporter des conseils sur la programmation au vu des nuisances de l’environnement futur… ».

S.R. : « Et au-delà de créer simplement du confort, l’acoustique joue un rôle majeur sur notre écosystème en préservant et renforçant la biodiversité, notamment en zones urbaines. La pollution sonore fait fuir les espèces présentes dans un milieu exposé. Lorsqu’elles ne fuient pas, elles s’adaptent en augmentant leur volume sonore de vocalisation et/ou les périodes d’émissions associées, créant de nouvelles nuisances. Un cercle vicieux… C’est pourquoi il est essentiel d’intervenir à grande échelle sur les nuisances majeures comme le trafic (aérien, ferroviaire, routier) ».

M.R. : « Notre métier est de plus en plus reconnu au Luxembourg et il faut continuer à déployer cette expertise, comme nous le faisons au sein du bureau avec le développement du pôle Sustainable Design, ou encore grâce à l’appui de nos collègues du Groupe VK Architects & Engineers qui possèdent une expertise de longue date en la matière ».

Article de Betic, partenaire Infogreen
Article paru dans le dossier du mois « Pollutions ? Solutions ! »

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Publié le jeudi 21 avril 2022
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