Une gestion durable est essentielle pour des forêts saines en Europe

Une gestion durable est essentielle pour des forêts saines en Europe

Entretien avec Annemarie Bastrup-Birk, chef de projet Forêts et environnement à l’Agence européenne pour l’environnement 

Les forêts en Europe nous procurent des services essentiels : air pur, eau propre, stockage naturel de carbone, bois, aliments et autres produits. Elles abritent bon nombre d’espèces et d’habitats. Nous avons discuté des défis auxquels sont confrontées les forêts d’Europe avec Annemarie Bastrup-Birk, chef de projet Forêts et environnement à l’Agence européenne pour l’environnement.

Pourquoi les forêts sont-elles si importantes pour la santé de notre environnement ? 

Les forêts fournissent de nombreux services écosystémiques pour l’environnement et le climat. Par exemple, elles participent à la régulation de notre climat et assurent le maintien écologique des bassins versants, nous offrant de l’eau propre. Elles contribuent à purifier l’air que nous respirons. La croissance du stock forestier contribue souvent au stockage de grandes quantités de dioxyde de carbone émis vers l’atmosphère. Elles concourent également à la préservation et à la protection de la biodiversité car de nombreuses espèces vivent et dépendent des forêts. Elles constituent aussi une ressource économique importante, non seulement pour la production de bois mais aussi pour d’autres ressources utilisées pour des médicaments et d’autres produits. Les forêts jouent également d’autres rôles importants pour le bien-être humain et les activités récréatives.

En Europe, la superficie totale couverte par les forêts continue à augmenter, principalement en raison des politiques de boisement et de la reconversion des terres agricoles abandonnées en forêts. Les forêts couvrent plus de 40 % de la superficie terrestre totale dans les 33 pays membres et les six pays coopérants de l’Agence européenne pour l’environnement.

Néanmoins, la santé des forêts est une question qui se pose à l’échelle mondiale. La surface boisée totale diminue dans le monde. Or, les Européens ont une incidence sur le déboisement au niveau mondial. Nous importons des produits agricoles ainsi que des produits du bois qui sont les principales causes de la déforestation mondiale, affectant principalement les forêts tropicales ou boréales.

Toutefois, la superficie totale couverte par les forêts n’est pas le seul indicateur à prendre en compte.

Quels sont les défis majeurs pour les forêts en Europe ?

Les forêts en Europe sont confrontées à de nombreux défis, dont la perte d’habitats et des risques plus élevés liés aux espèces invasives, à la pollution et au changement climatique. Une utilisation accrue par les humains pour diverses activités, l’agriculture intensive, l’étalement des villes et la construction de réseaux de transport exercent également une pression grandissante sur les forêts, à savoir une fragmentation des écosystèmes forestiers. Cette fragmentation, où de grandes forêts finissent par être divisées en de nombreux petits îlots situés au milieu des terres agricoles ou de zones de développement urbain, affecte réellement les habitats et les espèces qui en dépendent.

Ces problèmes sont analysés dans le récent rapport sur l’état et les tendances des écosystèmes forestiers en Europe. Ce rapport confirme la nécessité de protéger nos forêts et d’assurer une gestion durable des écosystèmes forestiers, non seulement en ce qui concerne la production de bois et l’utilisation du bois, mais aussi l’utilisation de nos forêts pour d’autres services écosystémiques vitaux, essentiels à notre bien-être.

Pourquoi le maintien et la protection de nos forêts sont-ils si importants ?

Historiquement, les forêts constituent l’habitat naturel de grandes parties de l’Europe et elles procurent des services essentiels pour notre environnement, nos économies et notre bien-être. Elles sont aussi très riches en termes de biodiversité et sont essentielles pour nos efforts de maintien d‘habitats naturels d’importance européenne.

Au cours des dernières années, nous avons pris progressivement conscience de leur importance, en particulier, dans le cadre de différentes discussions et négociations politiques sur le climat ; avec l’accord COP 21 de Paris, les forêts sont partie intégrante du dispositif d’intervention. En effet, s’agissant du stockage du carbone et de l’atténuation du changement climatique, les forêts sont certainement le seul instrument naturel que nous puissions gérer. Nous pouvons les faire pousser et les couper. Nous n’avons pas un tel contrôle sur les océans, par exemple.

Dans quelle mesure le changement climatique menace-t-il nos forêts ?

Nous savons qu’elles seront touchées mais nous méconnaissons comment et dans quelle mesure. Le changement climatique peut avoir des effets à la fois positifs et négatifs. Avec un climat plus chaud, la croissance des arbres est susceptible d’augmenter et pourrait avoir un résultat positif en termes de production de bois. Il peut également affecter la limite forestière, qui peut se déplacer davantage en altitude et vers le Nord. Dans le même temps, les forêts peuvent être confrontées à une augmentation du nombre de menaces, en termes d’agents pathogènes, de maladies, de parasites et d’espèces plus invasives.

Par exemple, en réaction aux périodes plus chaudes et plus sèches au printemps et en été, le scolyte européen de l’épinette ( Ips Typographus ) a une période de développement plus courte et est capable de se reproduire plusieurs fois au cours de la saison, augmentant ainsi sa population.

Les changements des conditions climatiques peuvent rendre les forêts plus vulnérables à des phénomènes climatiques plus extrêmes. Les modifications du régime des précipitations (plus humide ou plus sec) pourraient entraîner le remplacement des espèces d’arbres existantes par d’autres espèces plus à même de survivre et de prospérer dans les nouvelles conditions climatiques.

Bien que la plupart des feux de forêt en Europe soient d’origine humaine, des sécheresses extrêmes et des conditions sèches peuvent accroître le risque de feux de forêt, notamment dans le sud de l’Europe. Or, ces feux peuvent être dévastateurs tant pour les populations, nos économies que pour les écosystèmes forestiers.

Que font l’UE et l’AEE pour faire face à ces défis ?

La gestion des forêts demeure une responsabilité nationale. Toutefois, un processus européen est en cours afin de fixer certains critères et lignes directrices quant à la façon de prendre soin au mieux des forêts en Europe. Malgré l’absence de politique forestière communautaire, l’Union européenne (UE) veut soutenir et mettre en œuvre une gestion durable des forêts en Europe et protéger et préserver les multiples fonctions des forêts. À cette fin, l’UE a adopté une nouvelle stratégie pour les forêts parue en septembre 2013. La stratégie vise à promouvoir une meilleure coordination entre tous les acteurs concernés.

L’Agence européenne pour l’environnement (EEA) produit des évaluations visant à renforcer la base de connaissances sur les forêts européennes et sensibiliser aux défis auxquels les forêts sont confrontées, tout en définissant les perspectives futures. À cette fin, nous collaborons étroitement avec le Centre commun de recherche de la Commission européenne et Eurostat. Nous collaborons également avec Copernicus, le programme européen d’observation de la Terre, qui cartographie les forêts et les types de forêts dans le cadre de son service de surveillance des terres. En outre, nous assurons une coordination avec les agences des Nations unies et d’autres organisations internationales afin de partager données et information sur les forêts européennes. Grâce à notre large expertise environnementale et à nos partenaires, nous sommes en mesure de lier les forêts aux autres questions environnementales, telles que le climat, les eaux, l’agriculture, le transport et la biodiversité, et de formuler une meilleure compréhension générale des pressions qui s’exercent sur les écosystèmes forestiers et d’une utilisation durable de nos forêts. 

Entretien publié dans  l’édition n° 1/2016 de la lettre d’information de l’AEE , mars 2016

Source : Agence européenne pour l’environnement - www.eea.europa.eu

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Publié le jeudi 14 avril 2016
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