Phénomène des drogues et des toxicomanies au Grand-Duché de Luxembourg

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Créé en 1994, le Point focal luxembourgeois de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), assure pour le compte du ministère de la Santé la surveillance épidémiologique des phénomènes liés aux drogues illicites et aux toxicomanies par le biais du Réseau luxembourgeois d’information sur les drogues et les toxicomanies (RELIS). Outre ses travaux de recherche ciblés, le Point Focal OEDT contribue à l’élaboration du rapport national sur l’état du phénomène de la drogue au G.-D. de Luxembourg.

Usage de drogues illicites en population générale : tendances mondiales, européennes et nationales 

l’échelle mondiale (UNODC, 2014) [ 2], le nombre global de personnes âgées de 15 à 64 ans ayant consommé au moins une drogue d’origine illicite au cours de l’année écoulée est estimé entre 162 et 324 millions. L’usage à caractère problématique de drogues illicites concerne entre 15 et 39 millions de personnes de la population mondiale dans cette même tranche d’âge. Le cannabis reste de loin la drogue la plus consommée [ 3] au monde (177,63 millions de personnes équivalant à 3,8 % de la population mondiale telle que définie). L’usage des stimulants de type amphétamine (STA) s’élèverait à 34,40 millions de personnes (0,7%). La prévalence de « l’ecstasy » (18,75 millions de personnes ou 0,4% de la population) a diminué par rapport aux données de 2009. Le nombre de consommateurs d’opiacés est resté stable et se situerait approximativement à 16,37 millions de personnes (0,435%).

Au sein de l’UE , selon les dernières données de l’OEDT [ 4], 80 millions de personnes auraient consommé au moins une drogue illicite au cours de leur vie et on compterait 1,3 million d’usagers problématiques d’opiacés. L’usage de drogues en Europe reste historiquement élevé. Des évolutions positives sont toutefois à voir dans la baisse des nouveaux usagers d’héroïne, la diminution du recours à l’injection, le recul des décès liés à la drogue et l’utilisation moindre et en régression de l’usage de cannabis et de cocaïne dans certains pays. Les amphétamines et l’ecstasy demeurent les stimulants de synthèse les plus fréquemment consommés en Europe. En ce qui concerne le cannabis, environ 1% d’Européens adultes (de 15 à 64 ans) le consomment quotidiennement ou presque quotidiennement. Aussi, le nombre, les types et la disponibilité de nouveaux produits psychoactifs en Europe ont continué à croître. La mondialisation, les avancées technologiques et l’internet ont contribué au développement d’un marché ouvert à ces mêmes produits.

À l’échelle micro-géographique, les tendances au Grand-Duché de Luxembourg reflètent dans les grandes lignes celles observées au sein de l’UE, avec toutefois de variations locales en matière de prévalence plus ou moins prononcée et une tendance à la baisse du taux de prévalence de l’usage problématique de drogues d’origine illicite. Une nouvelle étude représentative en population générale devrait permettre en 2015 de disposer de données actualisées sur l’usage de drogues illicites au sein de la population générale du Grand-Duché de Luxembourg.

Indicateurs de prévalence d’usage problématique de drogues et caractéristiques des usagers 

En matière de surveillance épidémiologique, on notera que le nombre d’usagers problématiques de drogues (UPD) indexés par les institutions nationales en 2013 équivalait à 5.084 personnes (comptages multiples inclus) [ 5] (2002 : 4.701).

À titre comparatif, on retiendra qu’en 2002, 2.383 personnes furent recensées par les institutions de réduction de la demande et 2.318 par les instances de réduction de l’offre . En 2013, ces mêmes instances ont recensé respectivement 2.789 et 2.295 personnes. Sommairement, le nombre de personnes entrées en contact avec des instances sanitaires et répressives a augmenté de façon discontinue jusqu’en 2010 pour se stabiliser ensuite. Une analyse plus détaillée permet toutefois de constater une diminution du nombre de contacts avec les forces de l’ordre qui contraste avec une augmentation du nombre d’usagers en traitement. Par ailleurs, le nombre de patients en traitement aiguë en milieu hospitalier a diminué au cours des dernières années alors que les traitements spécialisés extrahospitaliers et les traitements de substitution ont gagné du terrain, ce qui a permis d’atteindre la meilleure couverture nationale en matière de traitement de substitution au sein de l’UE . À noter enfin la baisse au niveau du nombre de contacts enregistrés par les services de réduction des risques à partir de 2011.

En référence aux données les plus récentes (Origer, 2012) [ 6]la prévalence et le taux de prévalence d’UPD actuels sont estimés respectivement à 2.070 personnes (I.C. (95%) : 1.553 – 2.623) (comptages multiples exclus) et 6.16 par mille personnes issues de la population nationale âgée entre 15 et 64 ans. De l’analyse des données sérielles de 1997 à 2009 ressort que la prévalence absolue et les taux de prévalence de l’usage problématique de drogues affichent une tendance à la baisse depuis le début du 21e siècle.

Au fil de la dernière décennie,  la polyconsommation  est devenue le comportement prépondérant chez les usagers de drogues en contact avec le réseau institutionnel national. Toutefois, la pratique de l’injection tend à diminuer au bénéfice de la consommation par inhalation. Par contre, on observe une augmentation de personnes en contact avec les institutions nationales en raison de problèmes liés à l’usage de cannabis

L’âge moyen des usagers recensés est passé de 28 ans et 4 mois en 1995 à 33 ans et 6 mois en 2013. L’âge moyen des usagers masculins a augmenté plus rapidement que celui des femmes. L’âge moyen des usagers luxembourgeois est inférieur à celui des non-Luxembourgeois. À souligner enfin que les usagers de drogues illicites ont tendance à entrer en traitement de façon plus précoce, ce qui pourrait être dû à une offre de prise en charge qui a été diversifiée au cours des dernières années.

Mortalité et morbidité associées à la consommation de drogues

La concrétisation des plans d’action nationaux en matière de drogues et de toxicomanies a été accompagnée d’une baisse discontinue, mais notable du taux de décès par surdosage au Grand-Duché de Luxembourg (27 cas en 2007 et 11 cas en 2013 ). Exprimée en nombre de cas de surdose par rapport à la population générale du Grand-Duché de Luxembourg, cette proportion correspondait à 5,9 décès par surdose pour 100.000 habitants âgés entre 15 et 64 ans en 2000 alors qu’en 2013, 2 surdoses aiguës pour 100.000 habitants ont été enregistrées (2010 : 3,5). Les données médico-légales de 1992 à 2013 confirment que la quasi-totalité des décès impliquait la consommation d’héroïne [ 7]. Bien que la moyenne d’âge des victimes ait augmenté de façon continue, la proportion de victimes âgées de moins de 20 ans est restée relativement stable. À souligner enfin que depuis l’ouverture de la première salle de consommation supervisée de drogues jusqu’à fin 2014 quelque 1.800 incidents de surdosage ont été gérés et aucune surdose, prise en charge à l’intérieur de cette structure d’accueil, a connu une issue fatale.

En termes épidémiologiques, le taux d’infection au VIH  au sein de la population d’UPD se situe autour de 4%. La proportion moyenne d’usagers intraveineux de drogues parmi les personnes nouvellement infectées par le VIH, a suivi une tendance longitudinale discontinue à la baisse jusqu’à 2011 pour accuser une tendance à la hausse depuis lors (2013 : 8,54% et tendance croissante en 2014). Si cette hausse peut s’expliquer en partie par une couverture de dépistage accrue au sein de la population d’usagers de drogues, il s’agira de suivre de près l’évolution future de cet indicateur. La prévalence VHC (hépatite C) , qui avait connu une nette progression jusqu’en 2007 [ 8], semble s’être stabilisée depuis lors, bien qu’à un niveau fort élevé.

Disponibilité et qualité des drogues illicites au niveau national

Une analyse longitudinale fait apparaître une tendance générale à la baisse [ 9] des quantités saisies d’héroïne, de cocaïne et une augmentation discontinue du cannabis. Nonobstant les quantités de cannabis et de cocaïne saisies, le nombre de saisies a augmenté de façon discontinue depuis 1990. Ceci suggère qu’un nombre plus élevé de saisies portant sur des quantités réduites ont été enregistrées. Depuis 2008, le nombre de saisies de cannabis et de cocaïne a augmenté, tandis que le nombre de saisies d’héroïne a diminué de façon discontinue. Le nombre total de personnes impliquées dans le trafic illicite de drogues a amorcé une baisse à partir de 2011. À ce jour aucune saisie de crack n’a été enregistrée par les instances répressives bien que les associations de terrain rapportent la pratique du free-basing/cocaïne cooking par certains usagers.

Au cours des dernières années des réseaux de distribution mieux organisés ont vu le jour sur le plan national. L’expansion de ces réseaux plus structurés a contribué à une hausse sensible de la disponibilité de drogues illicites, particulièrement en ce qui concerne l’offre de cocaïne. Les nouvelles drogues synthétiques et produits associés (Legal highs) sont également en progression. Un phénomène plus récent consiste par ailleurs dans le fait que les groupements ethniques ont davantage tendance à interagir et à se concerter au niveau de l’organisation de la vente de drogues, tandis qu’auparavant, aucune filière criminelle ne cherchait le contact avec les autres groupes. Par ailleurs, ces derniers œuvrent à délocaliser leurs points de vente vers des endroits moins visibles à la police, tels qu’appartements privés ou cafés. Un indicateur complémentaire de la disponibilité accrue de drogues illicites au niveau national est à voir dans le fait qu’actuellement plus de 40% des usagers s’approvisionnent en drogues illicites exclusivement au Luxembourg, alors que cette proportion représentait seulement 15% en 2008.

Comparée à la situation en 2006, la pureté  de la cocaïne a baissé et de variations remarquables de la pureté de l’héroïne ont été observées au cours des dernières années. Toutefois, il s’agira de suivre attentivement les variations importantes au niveau des puretés minimales et maximales et plus particulièrement les concentrations de THC dans différentes variétés de cannabis saisies au Luxembourg les dernières années. L’apparition de nouvelles drogues de synthèse , dont les effets et risques potentiels associés sont encore largement inconnus au moment de leur apparition, constitue un autre phénomène particulièrement inquiétant. Les prix de l’ensemble des drogues illicites vendues sur le marché national ont connu au cours des dernières années des marges de plus en plus importantes, ce qui est notamment à mettre en relation avec les importantes fluctuations de la qualité des produits finaux et des réseaux de distributions plus diversifiés.

Stratégie et plan d’action Drogues et Addictions2010-2014

L’objectif général de la stratégie et du plan d’action nationaux en matière de lutte contre les drogues et les addictions est de contribuer à atteindre un niveau élevé de protection en termes de Santé publique, de Sécurité publique et de cohésion sociale. Le plan d’action national repose prioritairement sur deux piliers , à savoir la réduction de la demande et la réduction de l’offre ainsi que sur quatre axes transversaux : la réduction des risques, dommages et nuisances, la recherche et l’information, les relations internationales et finalement les mécanismes de coordination.

Le budget global du Ministère de la Santé  alloué aux services et programmes du domaine des drogues et des toxicomanies, est passé de 2.066.000.- EUR en 2000 à 9.531.000.- EUR en 2013 ce qui équivaut à un taux de progression de 360%. De façon générale, les dépenses publiques en matière de lutte contre les drogues et les toxicomanies sont actuellement estimées à 38,5 millions EUR (Origer, 2010). Les dépenses allouées exclusivement aux traitements des problèmes liés à l’usage de drogues illicites représentaient 16,2 millions EUR en 2012.

Les moyens investis dans le cadre du plan d’action 2010-2014,  actuellement soumis à une évaluation externe , ont permis de lancer une série de projets innovateurs dont la création d’un service médical mobile intervenant au sein de certaines structures spécialisées, le développement de l’offre d’encadrement bas-seuil dans le nord du pays, l’extension de l’offre de logement encadré, la consolidation et l’extension des activités du service ABRIGADO à Luxembourg-Ville (e.g. ouverture d’une salle d’inhalation supervisée), la planification d’un nouveau centre d’accueil pour personnes toxicomanes, incluant une salle d’injection supervisée à Esch-sur-Alzette dont l’ouverture est prévue pour 2016, l’optimisation progressive du registre national du traitement de substitution et du système d’alerte précoce relatif aux nouvelles drogues et tendances de consommation ainsi que le développement des activités de recherche en matière de drogues et d’addictions au niveau national, notamment dans le domaine de la morbidité et de la mortalité associées à l’usage de drogues.

Rapport sur l’état du phénomène de la drogue au Grand-Duché de Luxembourg. Édition 2014 (téléchargeable sous : http://www.sante.public.lu ou http://www.relis.lu ou http://www.ms.public.lu ) 

Footnotes :

1L’édition 2014 du rapport RELIS et les autres travaux de recherche du point focal national OEDT peuvent être téléchargés du site http://www.relis.lu

2 UNODC (2014), Rapport mondial sur les drogues 2013, UNODC, Vienne.

3 La prévalence et taux de prévalence par produit se rapportent à la consommation au cours de l’année écoulée de personnes âgées de 15 à 64 ans.

4 Observatoire européen des Drogues et des Toxicomanies. (2014). Rapport annuel 2014 sur l’état du phénomène de la drogue en Europe. OEDT. Lisbonne.

5 Dans ce recensement les comptages multiples sont inclus ce qui signifie qu’une personne donnée a pu être indexée deux fois ou plus si on tient compte de l’ensemble des institutions spécialisées établies sur le territoire national. Dès lors, ce chiffre ne représente pas la prévalence (la taille) effective de la population d’UPD au niveau national (qui elle, se détermine par des méthodologies différentes – voir Origer, 2012).

6 Origer A. Prevalence of Problem Drug Use and Injecting Drug Use in Luxembourg : A Longitudinal and Methodological Perspective. Eur Addict Res. 2012 ;18:288-296.

7 Origer A, Lopes da Costa S, Baumann M. Opiate and cocaine related fatal overdoses in Luxembourg from 1985 to 2011 : A study on gender differences. Origer A, Lopes da Costa S, Baumann M. Eur Addict Res . 2014 ; 20(2):87-93.

8 Origer A, Le Bihan E, Baumann M. Social and economic inequalities in fatal opiate and cocaine related overdoses in Luxembourg : A case-control study. Int J Drug Pol 2014. 25:911-915.

9 Origer A, Schmit J.-C. Prevalence of hepatitis B and C and HIV infections among problem drug users in Luxembourg : self-report versus serological evidence. J Epidemiol Community Health 2012 ;66:64-68.

 

Communiqué par le ministère de la Santé

Communiqué – Publié le 14.01.2015 (10:45)

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Publié le mercredi 21 janvier 2015
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