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Nouvelle législation sur les minerais de conflits : une opportunité manquée pour l'Union européenne ?

Nouvelle législation sur les minerais de conflits : une opportunité manquée pour l’Union européenne ?

L’extraction et le commerce des minerais sont liés à des conflits et à des atteintes aux droits humains, comme les massacres ou l’exploitation des enfants, partout dans le monde. L’Union européenne est une destination majeure pour les minerais, importés en Europe sous forme brute et sous forme de composants de produits du quotidien – téléphones et ordinateurs portables, moteurs et bijoux notamment.

Le lundi 3 avril 2017, le Conseil européen a adopté définitivement le règlement sur l’approvisionnement responsable en minerais provenant des régions en conflit ou dites à haut risque. L’adoption du règlement vient conclure un processus législatif qui aura duré trois ans, au cours desquels la société civile européenne, dont Fairtrade Lëtzebuerg, ASTM, Caritas Luxembourg et la Fondation Partage Luxembourg, ont défendu l’instauration par ce règlement d’un système de diligence raisonnable obligatoire et conforme aux normes de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) pour les entreprises situées tant en amont qu’en aval de ces chaînes d’approvisionnement. La position de la société civile européenne n’aura été que partiellement suivie, la nouvelle législation élaborée dans le cadre du trilogue comprenant de nombreuses failles. Pourtant, l’Union européenne s’y était engagée : créer un espace de transparence au sein des chaînes d’approvisionnement européennes qui contiennent des ressources minières afin de garantir aux citoyens que les richesses extraites bénéficient à tous de manière équitable. Plus récemment, ce sont les quatre minerais que sont l’étain, le tungstène, le tantale et l’or, qui étaient dans le collimateur du législateur ; et ce à cause des trafics internationaux qui y sont liés. Rien qu’à l’est de la RD Congo, c’est près de 98 % de l’exploitation aurifère qui est exportée illégalement. Outre la perte sèche que cela constitue pour les caisses des autorités locales, c’est également une source de revenu conséquente pour les groupes armés qui occupent encore plus de la moitié des mines artisanales de cette région.

Un cadre européen nécessaire

En s’inspirant des lignes de conduite sur le « devoir de diligence » de l’OCDE, le Parlement européen a donc amélioré la proposition de la Commission européenne en votant pour la mise en place d’un système contraignant, obligeant les entreprises européennes à veiller à ce que leurs approvisionnements en minerais soient extraits dans des conditions respectueuses des Droits Humains. Le projet prévoyait de couvrir l’entièreté des chaînes d’approvisionnement de façon obligatoire ; en amont (fonderies, affineries, importateurs de minerais et métaux bruts) comme en aval, jusqu’au fournisseur de produits finis (GSM, tablette, voitures…). Toutefois, force est de constater qu’après de longues négociations entre le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil, de nombreuses concessions ont été faites aux entreprises qui ne se disent pas prêtes à consentir à cet effort de « diligence raisonnable ». Liste blanche de fournisseurs « responsables », seuils d’importation en deçà desquels aucun compte ne doit être rendu, autorégulation… sont autant de faiblesses au texte de loi que condamne la société civile : « Tout cela laisse un goût amer, un sentiment de demi-mesure », explique Jean-Louis Zeien, président de l’ONG Fairtrade Lëtzebuerg. « Bien que ce soit une initiative importante, nous avons aujourd’hui l’impression que cette loi est un filet dont les mailles sont bien trop larges pour aboutir aux objectifs fixés  ». Pour Stefan Reinhold, chargé de plaidoyer à la CIDSE, «  cette nouvelle loi ne peut être que la toute première étape. Des mesures supplémentaires seront nécessaires afin d’assurer que toutes les entreprises vérifient adéquatement leurs chaînes d’approvisionnement. »

Position du Luxembourg

La réponse du ministre Jean Asselborn à une question parlementaire déposée par le député David Wagner de Déi Lénk en juin 2016 souligne que le Luxembourg s’est engagé au cours des négociations au niveau européen « pour un règlement sérieux, efficace et équilibré qui soutienne l’éradication des violations des droits fondamentaux en lien avec l’extraction et le commerce de ces minerais et métaux ».

Impact et évaluation

L’obligation du devoir de diligence pour les importateurs sera effective à partir du 1er janvier 2021. L’impact du nouveau règlement devra être donc évalué à l’aulne de deux aspects.
Le premier aspect est avant tout sécuritaire : son efficacité en termes de lutte contre l’enrichissement de groupes armés par l’exploitation et le commerce des minerais.
Le second aspect est quant à lui socio-économique : son impact en termes de soutien à l’approvisionnement responsable en minerais depuis les régions en conflit ou à haut risque. Pour ces deux aspects, les risques se situent tout en amont de la chaîne d’approvisionnement, c’est-à-dire au niveau des mines et des communautés riveraines. Pour améliorer et créer les conditions qui permettront au règlement d’avoir un impact positif sur le terrain, l’UE et ses Etats membres ont besoin de mobiliser des mesures d’accompagnement importantes et ambitieuses visant, de manière générale, l’amélioration de la gouvernance locale du secteur artisanal. L’Union européenne est donc désormais attendue au tournant par les ONG, afin que celle-ci assure l’application effective de cette loi. Pour cela, il est nécessaire de mettre en œuvre des mesures d’accompagnement à la régulation sur les minerais de conflits, afin de renforcer la gouvernance du secteur minier artisanal, en impliquant les acteurs locaux étatiques et non étatiques. Car dans le futur, avec l’exclusion des produits semi-finis et finis du règlement et les autres failles, une grande majorité des consommateurs ne saura toujours pas jusqu’à quelle mesure les minerais de conflit tungstène, étain, tantale et or contenus dans leurs smartphones, ordinateurs portables etc. auront contribué à des infractions aux droits humains. Dans un souci de cohérence des politiques, il aurait vraiment été nécessaire aussi de prendre en compte les Objectifs de développement durable et la nouvelle stratégie « Commerce et investissement » de l’UE, promouvant les droits humains, un commerce équitable et éthique, un approvisionnement responsable ainsi que le développement durable. La société civile va également demander aux institutions européennes de s’engager.
Pour plus d’informations :
Fairtrade Lëtzebuerg a.s.b.l. 2a rue de la Gare L–6910 Roodt-sur-Syre G.-D. de Luxembourg Tél. : +352 35 07 62 26 Fax : +352 35 07 62 50 veronique.heitz@fairtrade.lu www.fairtrade.lu

Communiqué par Fairtrade Luxembourg

Communiqué
Publié le mercredi 19 avril 2017
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