« Le Luxembourg n'échappe pas à la règle »

« Le Luxembourg n’échappe pas à la règle »

Malgré la richesse du pays, beaucoup de citoyens ne parviennent pas à trouver un toit au Luxembourg, tandis que des ménages nombreux habitent souvent dans des logements en inadéquation avec leurs besoins. Pour contrer ce phénomène, les services sociaux se sont mobilisés pendant une décennie, une mobilisation qui a porté ses fruits avec la création en 2009 de l’Agence Immobilière Sociale (AIS). Interview de Gilles Hempel, chargé de direction.

Comme son nom le laisse supposer, l’Agence immobilière sociale n’est pas une agence comme les autres. Qu’est-ce qui la caractérise ? En quoi se différencie-t-elle d’une agence « classique » ?

En premier lieu, il faut savoir que l’Agence immobilière sociale est un service social, un instrument de lutte contre l’exclusion sociale par le logement. Celui-ci ne joue pas les intermédiaires entre les propriétaires et les occupants, il prend directement en charge le bail du logement. L’AIS est ainsi le locataire officiel, et le propriétaire n’a en général aucun contact avec l’occupant de son logement. Bien évidemment, en tant qu’établissement d’utilité publique, l’AIS est un organisme sans but lucratif.

Peut-on quelque part parler de sous-location ?

Dans la mesure où l’AIS est le locataire officiel des logements et le met à disposition aux occupants, on peut de facto parler de « sous-location », même si le terme peut paraître inapproprié. En effet, nous ne réalisons pas de bail avec l’occupant mais un contrat de mise à disposition du logement dans le cadre d’un projet social.

L’AIS est un service de la Fondation pour l’Accès au logement. Quelle est cette fondation ? Quel est son objet ?

La Fondation pour l’Accès au Logement est la « structure porteuse » de l’AIS, cette dernière n’ayant pas de forme juridique. Aussi, la Fondation pour l’Accès au Logement a précisément été créée pour l’exploitation de l’Agence Immobilière Sociale. L’AIS est au stade actuel des choses la seule activité de la fondation, qui, il faut le rappeler, n’existe que depuis 2009.

Le « mal-logement » au Luxembourg, comme ailleurs, n’est pas une nouveauté. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour créer une telle structure ?

Effectivement, le Luxembourg, malgré sa richesse, n’échappe pas à la règle. La situation s’est d’ailleurs encore dégradée avec la venue de la crise et la flambée des prix de l’immobilier au Grand-Duché ces dernières années.

C’est la raison pour laquelle les services sociaux se sont mobilisés pendant près de dix ans pour parvenir à la création d’une structure telle que l’Agence immobilière sociale, une mobilisation qui a finalement porté ses fruits avec l’ouverture de l’AIS en 2009. Nous avons en fait « importé » ce concept de Belgique, qui existe là-bas depuis près de 25 ans.

Les clients visés sont à revenus modestes et présentant un problème de logement selon la typologie européenne de l’exclusion liée au logement (ETHOS). Que définit cette typologie ?

La typologie ETHOS a été développée par la FEANTSA pour définir les différents types d’exclusion sociale liée au logement. La classification se fait comme suit : les sans-abris, les sans-logements, les personnes vivant dans une situation de logement précaire, et, enfin, les personnes vivant dans des logements inadéquats.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, même si le phénomène n’est pas aussi important que chez nos voisins, un nombre considérable de personnes habitent dans des logements insalubres au Luxembourg voire dans des garages, et ce, dans toutes les régions du pays.

Quant au surpeuplement, étant donnée les prix très élevés pratiqués sur le marché locatif, il est monnaie courante.

Quelles sont les différentes catégories de personnes qui sollicitent votre aide ?

Nous avons affaire à une clientèle relativement composite. Ceci étant, nous rencontrons avant tout des personnes dans une situation professionnelle précaire, des familles monoparentales, les citoyens touchant des revenus de remplacement, mais aussi les familles nombreuses à revenus modestes.

Nombreux sont les logements inoccupés au Luxembourg. A qui appartiennent-ils ? Que pensez-vous de l’initiative de certaines communes consistant à taxer ces logements inoccupés ?

Nous avons pu constater qu’une majorité de logements inoccupés n’appartiennent non pas à des investisseurs ou des promoteurs, mais à des personnes âgées parties en maison de retraite ou aux héritiers, lesquels n’ont généralement pas besoin de revenus supplémentaires et sont frileux à l’idée de louer leur logement.

Or précisément, c’est cette catégorie de personnes que nous visons, dans la mesure où nous sommes aptes à leur apporter toutes les garanties nécessaires en cas de non-paiement des loyers ou de dégradations, puisque, comme dit, nous sommes les locataires officiels. La seule exigence que nous avons est que les propriétaires acceptent de louer leur bien à des prix inférieurs à celui du marché.

Je dois d’ailleurs dire que nous n’avons pas véritablement besoin de négocier avec les propriétaires intéressés.

Quant à la question consistant à savoir si introduire une nouvelle taxe pour les logements inoccupés est une bonne chose, je vous répondrais, sans surprise, que oui. Elles complètent l’offre de l’AIS. Pour motiver un propriétaire à mettre son bien en location, les taxes sont le « push factor » tandis que l’AIS est le « pull factor »

 

Quelle est la taille du parc immobilier de l’AIS, et combien d’occupants logez-vous ?

Le parc immobilier atteint actuellement les 150 logements occupés par à peu près 500 personnes. Notre objectif, avec l’aide des communes, est d’atteindre les 500 logements à moyen terme.

 

Vous précisez « avec l’aide des communes ». Quel rôle les communes ont-elles à jouer ?

Les autorités communales ont un rôle déterminant à jouer, puisqu’elles sont directement en contact avec la population. Elles ont tout à gagner à y mettre du leur : ce sont autant de logements inoccupés en moins, et autant de personnes en moins qui poussent la porte des offices sociaux.

A ce titre, nous nous félicitons de notre collaboration avec la Ville de Luxembourg, avec laquelle nous avons signé une convention en 2013, et de l’intérêt porté par une dizaine d’autres communes avec lesquelles nous sommes en pourparlers.

 

Photo ©Marlene Soares pour LG Magazine

Article
Article
Publié le vendredi 17 octobre 2014
Partager sur
Avec notre partenaire
Nos partenaires