Du sucre pour voler !

Du sucre pour voler !

Un avion volant avec du carburant au sucre ? Ce n’est pas une histoire de savants fous mais celle de quatre grands industriels (Airbus, Air France, Safran et Total) qui ont réalisé, le 20 juin dernier, à l’occasion du Salon du Bourget, pour la première fois en Europe, un vol avec du biocarburant issu de canne à sucre.

L’A321, qui a effectué un Toulouse-Le Bourget, avait dans un de ses moteurs CFM 56 10% de farnésane. Ce biocarburant, mis au point par Total et la start-up américaine Amyris, transforme le sucre en molécule (le farnésène), puis en carburant (le farnésane) via des micro-organismes qui agissent durant la fermentation.

L’avion, avec son fuselage blanc, anonyme, n’a pas attiré les foules sur le tarmac de l’aéroport du Bourget, où les rutilants appareils de combats et les nouveautés attirent largement plus le chaland.

A l’intérieur, peu de sièges, des masques à gaz particuliers, et dans l’autre moteur, uniquement du kérosène : question de sécurité, explique Stéphane Maugras. Il était dans l’avion en tant que représentant du motoriste Snecma (Safran), l’Airbus pouvant fonctionner avec un seul moteur en cas de pépin.

Il s’agit seulement du deuxième vol d’essai d’un appareil avec ce type de carburant, après un premier au Brésil où Total produit le farnésène, expliquant la petite appréhension des laborantins volants, représentants les différentes sociétés impliquées.

En gros, ce vol a consommé quatre tonnes de canne à sucre, donc moins d’une tonne de sucre.

« Le sucre n’est pas considéré comme un complément alimentaire par la FAO (branche alimentation de l’Onu, ndlr), il n’entre donc pas en concurrence avec l’alimentation », assure Philippe Marchand, responsable du développement des biocarburants chez Total.

A partir des betteraves françaises

Aujourd’hui, le géant français du pétrole produit ce biocarburant avec de la canne à sucre brésilienne.Mais lorsqu’il sera certifié, il espère bien étendre ses capacités de production en Europe et en France en particulier. « Les betteraviers français sont très intéressés par une diversification de leur activité avec la baisse du marché de l’éthanol », assure Philippe Marchand.

Et « dans 4 à 5 ans, l’objectif, c’est de le faire avec la partie non comestible des plantes. De transformer la cellulose en sucres non alimentaires qui seront transformés en biojet » mais aussi en biodiesel et en plein d’autres produits (cosmétiques, médicaments, parfums), énumère Philippe Boisseau, patron de la division Energies nouvelles de Total.

Aujourd’hui, seuls deux types de biocarburants sont certifiés : ceux issus des huiles comme l’huile de friture usagée (le Fischer-Tropsch) ou ceux obtenus par gazéification de biomasse (hydrotraitement) qui utilise les déchets, du bois...

Mais Total espère une certification du farnésane d’ici la fin de l’année, pour qu’en 2014, peut-être, certains avions commerciaux puissent voler avec du biocarburant à base de sucre.

« Tant qu’il n’y a pas l’offre suffisante, on ne peut pas le faire car la viabilité économique n’est pas là », reconnaît Sabrina Bringtown, chargée d’affaires environnementales chez Air France.

En attendant, pour réduire l’empreinte carbone des avions, compagnies et constructeurs jouent sur d’autres critères : réduction du poids de l’avion avec des matériaux composites et des équipements à bord, réduction du temps de roulage au sol et optimisation des trajectoires.

En cinq ans, Air France a par exemple réduit de 15% le poids des équipements, en rognant même sur le poids des gobelets...

De son côté, l’ONG Réseau Action Climat a dénoncé la pollution provoquée par l’industrie aérienne : « L’avion est le moyen de transport le plus polluant. Par passager et par kilomètre parcouru, il est trois fois plus nocif pour le climat que la voiture ».

Texte AFP / Photo © Airbus S.AS 2013 / Photo by S. Ramadier

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Publié le jeudi 20 juin 2013
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