Agence immobilière sociale, remettre le pied à l'étrier

Agence immobilière sociale, remettre le pied à l’étrier

L’Agence immobilière sociale transforme des maisons ou appartements inoccupés en logements sociaux pour proposer, sans délais d’attente interminables, des toits à des familles défavorisées et leur permettre de rebondir dans la vie. Interview de Gilles Hempel, directeur.

Gilles Hempel, directeur de l'AIS
Gilles Hempel, directeur de l’AIS - 1

Le modèle proposé par l’AIS est simple. Il se base sur deux piliers : d’un côté une famille qui a des difficultés à se loger, de l’autre une personne qui possède un bien immobilier dont elle n’a pas l’usage dans l’immédiat. L’AIS fait le pont entre les deux parties. Plus concrètement, l’AIS prend en bail auprès d’un propriétaire privé un logement dont elle garantit le paiement régulier du loyer, le bon état et la récupération en cas de besoin. En contrepartie de quoi, le propriétaire consent à louer son bien à un prix inférieur à celui du marché, un prix qui soit accessible à une clientèle défavorisée.

Les quelque 340 logements qui composent le parc immobilier de l’AIS sont ainsi mis à disposition des bénéficiaires pour une durée de 3 ans (qui peut être assouplie en cas de besoin), qui paient en échange une indemnité d’occupation plafonnée à un tiers de leurs revenus.

Qui sont ces propriétaires qui acceptent de perdre de l’argent par rapport au marché privé ? Et pourquoi ? « Ce ne sont pas des propriétaires classiques, des investisseurs immobiliers dont le but est le rendement », indique Gilles Hempel, « Il s’agit, par exemple, de personnes âgées qui ont quitté leur maison pour vivre en maison de retraite, de personnes qui ont hérité d’une maison, souhaitent la transmettre à leurs enfants dans quelques années, veulent qu’elle reste habitée en attendant et qu’elle se libère dès qu’ils en auront besoin. Il peut également s’agir de propriétaires qui ont fait de mauvaises expériences sur le 1er marché ou d’autres qui n’ont simplement pas envie de s’aventurer sur ce marché car mettre son appartement en location par la voie traditionnelle s’apparente à avoir une activité commerciale et toute activité commerciale est liée à du travail et à des risques que chacun n’est pas forcément prêt à endosser ». L’avantage de l’AIS est d’offrir à ces propriétaires un package « casco » : ils ne doivent s’occuper de rien et peuvent récupérer leur bien dès qu’ils le demandent, sans que celui-ci ait subi la moindre dégradation.

De plus, à partir de 2017, les propriétaires qui collaborent avec l’AIS bénéficieront d’avantages fiscaux, à savoir une exonération de 50 % des impôts sur les recettes locatives. Ce qui peut déjà compenser une partie du manque à gagner par rapport au marché privé.

Quant aux logements, ils doivent répondre à deux critères de sélection : un accès facile aux réseaux de transports en commun (afin de ne pas isoler des personnes qui, souvent, n’ont pas de voiture) et un standard énergétique raisonnable (afin de ne pas noyer des foyers déjà modestes sous les charges). Au besoin, des travaux de rénovation énergétique peuvent être préconisés. Ils sont à charge du propriétaire mais peuvent être pré-financés par l’AIS à travers un système de déduction des frais de rénovation du loyer.

Côté locataires, « ce sont des gens exclus du 1er marché immobilier qui sont en situation précaire, qui vivent avec un revenu de remplacement comme le RMG ou qui ont un travail à plein temps, mais en interim ou en CDD. Aujourd’hui, sans CDI, vous n’avez aucune chance d’avoir accès à un appartement. Nous comptons, parmi nos locataires, de nombreux foyers monoparentaux, souvent des femmes qui se retrouvent seules avec leurs enfants après une séparation et qui n’ont pas travaillé depuis plusieurs années parce qu’elles se sont consacrées à leur éducation. Elles ne trouvent pas de patron qui les engage tout de suite, donc pas de propriétaire qui accepte de les loger », explique le directeur.

Pour lutter contre cette discrimination sur le marché immobilier et permettre aux personnes en difficulté de rebondir, l’AIS les aide, non seulement en leur fournissant un logement, mais aussi en élaborant un projet social avec eux et en les accompagnant dans leur recherche d’un emploi stable. « Nous analysons les raisons pour lesquelles ces gens sont exclus et nous leur proposons des pistes pour se réintégrer dans la société : ils ont parfois besoin de suivre une formation, d’être suivi psychologiquement ou de passer leur permis de conduire, par exemple. Nous les obligeons également à constituer une épargne avec l’argent économisé grâce au faible loyer qu’ils paient afin d’être en mesure de payer une caution ou d’avoir un apport pour un prêt immobilier une fois leur CDI en poche. 10 % des gens qui nous quittent le font pour une acquisition », souligne Gilles Hempel. La sortie du bénéficiaire est donc préparée dès le jour où il signe son contrat de location et elle est encadrée par un travailleur social de l’AIS et un travailleur social externe spécialisé dans leur problématique (Femmes en détresse, Caritas, LISCO, etc.). Le logement est finalement un tremplin.

« On estime qu’au Luxembourg entre 10 et 20.000 logements sont inoccupés. Nous disposons donc d’une ressource énorme de surfaces habitables à activer pour proposer, presque du jour au lendemain, des logements à des familles défavorisées et leur permettre de s’inclure dans la société », conclut Gilles Hempel.
À noter que l’AIS est un service de la Fondation pour l’accès au logement, financé à 100 % par des fonds publics : Le ministère du Logement prend en charge les frais liés aux risques locatifs, le ministère de la Famille, les communes et les offices sociaux prennent en charge les frais de fonctionnement.

Mélanie Trélat

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Publié le jeudi 3 novembre 2016
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