Minerais du conflit : l'UE privilégie le profit au détriment des personnes

Minerais du conflit : l’UE privilégie le profit au détriment des personnes

Malgré sa rhétorique sur la responsabilisation des entreprises, l’Europe a accordé la priorité au profit, au détriment des personnes, ont déclaré des organisations de la société civile après l’accord politique conclu par les institutions de l’Union européenne (UE) à propos d’un règlement visant à encadrer le commerce européen des minerais issus de zones de conflit.

L’extraction et le commerce des minerais sont liés à des conflits et à des atteintes aux droits humains, comme les massacres ou l’exploitation des enfants, partout dans le monde. L’UE est une destination majeure pour les minerais, importés en Europe sous forme brute et sous forme de composants de produits du quotidien – téléphones et ordinateurs portables, moteurs et bijoux notamment.

Au terme de plusieurs mois de négociations, les institutions de l’UE sont parvenues à un accord sur un règlement visant à s’assurer que les minerais importés dans l’UE sont achetés de manière responsable et ne financent ni n’alimentent des conflits et des violations des droits humains. Cet accord est un pas dans la bonne direction, mais risque au final de ne pas atteindre l’objectif fixé. Les législateurs européens ont cédé aux exigences des grandes entreprises, en excluant du champ d’application du règlement la grande majorité des entreprises européennes commercialisant les minerais.

La décision prise mercredi 15 juin ne s’applique absolument pas aux entreprises qui importent des produits contenant des minerais. C’est une initiative timorée de réglementation du commerce des minerais provenant de zones de conflit, qui contraindra les seules entreprises importatrices de minerais sous forme brute à effectuer des contrôles basiques, a déclaré Iverna McGowan, directrice du Bureau d’Amnesty International auprès des institutions européennes. L’UE est tenue par le droit international de protéger les droits humains, mais ne s’acquitte qu’à moitié de ses obligations. Les investisseurs et les consommateurs européens n’auront toujours pas la certitude que les entreprises avec lesquelles ils font affaire se comportent de manière responsable. Cette loi changera peu – trop peu – de choses.

En acceptant de soustraire ces entreprises à ces obligations, l’UE mise sur l’espoir qu’elles choisiront de se procurer des minerais de manière responsable, sans être tenues de le faire. Cela a déjà été tenté, par la mise en place de normes non contraignantes. Elles n’ont que des effets restreints : trop rares sont les entreprises qui prennent des mesures pour contrôler leurs chaînes d’approvisionnement en termes de conflit et de risques liés aux droits humains.

Si nous saluons les efforts de ceux, particulièrement au sein du Parlement, qui se sont battus pour une Europe où la norme en matière de commerce est le commerce responsable, nous sommes déçus que l’UE ne traduise pas ses paroles en actes, a déclaré Michael Gibb de Global Witness.

 

Les lois européennes étant désormais moins contraignantes que celles d’autres pays, l’UE devient le maillon faible de la chaîne d’approvisionnement en minerais. Cet accord reste important, mais l’UE aurait dû aller bien plus loin pour tirer parti d’une occasion unique de faire vraiment changer les choses.

 

Selon Jean‐Louis Zeien, président de Fairtrade Lëtzebuerg, l’espoir des populations de l’Afrique centrale d’avoir un allié européen est en partie détruit avec cette décision des Etats européens. L’objectif d’éliminer les minerais de conflit de nos chaînes d’approvisionnements, de réduire l’immense souffrance, les guerres interminables ainsi que les violations des droits de l’Homme qui découlent de l’extraction et du commerce de minerais ne pourra pas se réaliser à travers ce règlement européen, malgré le fait qu’un premier pas avait été réalisé. Cette mesure n’éradiquera pas les sources de conflits et n’est pas en cohérence avec les objectifs du développement durable (SDG’s) que chaque Etat et organe institutionnel sont censés prendre en considération dans leurs choix politiques.

L’accord prévoit d’évaluer le règlement en termes d’efficacité quelques années après son entrée en vigueur.

Les populations qui continuent de subir les conséquences du commerce irresponsable, ainsi que les organisations de la société civile dans le monde, vont tourner leur regard vers les gouvernements européens pour s’assurer que le règlement tienne ses promesses, à savoir garantir que les entreprises européennes s’approvisionnent de manière responsable. Alors seulement, l’Europe et ses entreprises contribueront aux avancées mondiales pour rendre la chaîne d’approvisionnement en minerais plus transparente, responsable et durable.
Au Luxembourg, après plusieurs appels lancés en direction des responsables politiques, leur demandant d’adopter une position ambitieuse en défendant un texte de nature contraignante, Fairtrade Lëtzebuerg, en collaboration avec le Cercle de Coopération, Action Solidarité Tiers-Monde (ASTM), Caritas Luxembourg et Bridderlech Deelen, constate avec étonnement ne toujours pas avoir reçu de réaction de la part du ministère des Affaires étrangères. Une lettre commune envoyée au ministre Jean Asselborn en février dernier, lui demandant de dévoiler la position du gouvernement dans ce dossier, est effectivement restée sans réponse.

Communiqué par Fairtrade Lëtzebuerg, le Cercle de Coopération, Action Solidarité Tiers-Monde (ASTM), Caritas Luxembourg et Bridderlech Deelen

Communiqué
Publié le vendredi 5 août 2016
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